Depuis les émeutes du 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie traverse une crise sans précédent. La délinquance explose, le logement social est en grande difficulté et la pénurie de soignants pèse lourdement sur les familles. Face à cette situation, la province Sud assume sa responsabilité et propose des mesures fortes. Jeudi 11 septembre, l’assemblée s’est prononcée sur quatre textes majeurs qui tracent une politique publique ambitieuse : garantir la sécurité, définir une nouvelle stratégie de logement social et améliorer l’accès aux soins.
Un plan provincial de prévention de la délinquance 2025-2028
« L’ordre et le respect de la loi ne sont pas négociables. La sécurité est la première des libertés », rappelle l’exécutif provincial.
Depuis mai 2024, les violences contre les forces de l’ordre augmentent, tandis que les violences intrafamiliales restent élevées et la délinquance des mineurs, souvent liée aux addictions, inquiète. Pour y répondre, la province lance un plan de prévention de la délinquance sur trois ans, articulé autour de cinq axes :
- Prévenir la délinquance juvénile : lutte contre le décrochage scolaire, accueil judiciaire d’urgence des 6-15 ans, séjours éducatifs pour jeunes en TIG.
- Aider les personnes vulnérables : meilleure prise en charge des victimes, ouverture d’un nouvel internat de la réussite au Mont-Dore.
- Prévenir les addictions : programme « sentinelles », responsabilisation parentale, mise en œuvre de mesures issues de la convention citoyenne sur l’alcool (transports sécurisés de nuit, limitation des ventes, relèvement de l’âge légal à 21 ans).
- Apaiser l’espace public : sécurisation des équipements publics, unité de sûreté dans les transports, résorption des squats et démantèlement des nakamals illégaux.
- Promouvoir la citoyenneté : valorisation de l’engagement des jeunes, développement du budget participatif et du service national universel.
« La seule compétence de la Province en matière de lutte contre la délinquance, c’est la prévention », souligne Sonia Backès. « Ce plan comporte des actions concrètes pour lutter contre l’abus d’alcool, les addictions et l’errance des mineurs, mais aussi pour orienter les jeunes vers des associations sportives et culturelles. »
Naïa Wateou, présidente de la commission du développement économique, insiste toutefois : « On ne pourra pas tout régler. Mais nous mettons en place des dispositifs à la hauteur de nos moyens pour répondre à ces problématiques dans nos champs de compétence. »

Mesures phares du plan provinciale de prévention de la délinquance 2025-2028
1. Prévention de la délinquance juvénile
- Étendre Clic&Mouv’ sur tout le territoire.
- Créer des séjours éducatifs en milieu isolé pour prévenir la récidive des jeunes en TIG-TNR.
- Développer les activités artistiques, sportives et socioéducatives dans les écoles primaires.
- Mettre en place un accueil judiciaire d’urgence pour les 6-15 ans (placements parquet).
- Ouvrir, dès 2026, un centre administratif d’accueil des mineurs en errance.
2. Lutte contre les addictions (alcool et stupéfiants)
- Former les acteurs au repérage et à l’orientation des jeunes à risque.
- Renforcer les modules de responsabilisation parentale.
- Suivre régulièrement les enquêtes « Bien dans mes claquettes ».
- Faire vivre la convention citoyenne sur l’alcool :
- relever à 21 ans l’âge légal d’achat,
- interdire la consommation dans l’espace public,
- créer des transports sécurisés de nuit,
- renforcer la prévention et les soins.
- Lancer un réseau d’ambassadeurs “No-addict” (issus du monde du sport, de la culture et des arts).
3. Apaisement et sécurisation de l’espace public
- Renforcer la présence des forces de sécurité et développer la vidéoprotection.
- Pérenniser le dispositif d’aide à la sécurisation des entreprises.
- Soutenir l’installation de caméras à lecture de plaques d’immatriculation et la création de centres de supervision urbaine (CSU).
- Résorber les squats :
- 2/3 démantelés en 5 ans, le reste à horizon 10 ans,
- fermeture des nakamals illégaux,
- relogement des foyers éligibles.

« Sud Sécurité » : protéger les familles et soutenir l’économie locale
Les chiffres sont alarmants : entre 2023 et 2024, les atteintes aux biens ont bondi de 33,6 %, avec +71,8 % de cambriolages, +32,9 % de vols de véhicules et +92,4 % de dégradations. Des taux deux à trois fois supérieurs à ceux de la métropole.
Pour répondre à cette peur qui s’installe jusque dans les foyers, la province Sud lance dès 2026 le dispositif « Sud Sécurité ». Objectif : aider les propriétaires occupants à sécuriser leur logement (portes blindées, volets, alarmes, caméras).
Le principe : des crédits-points SudSécurité, attribués via la plateforme Sud Pro, couvrant 20 à 30 % du coût des équipements, dans la limite de 800 000 F CFP par logement.
Budget alloué : 500 millions F CFP.
Mise en œuvre : 5 janvier 2026.
« Certains ont souligné que ce dispositif serait punitif. Je crois qu’effectivement, punir les cambrioleurs fait partie du bon fonctionnement de la démocratie », répond Sonia Backès. Elle précise par ailleurs que l’aide sera étendue aux propriétaires bailleurs.
Avec SudSécurité, la province Sud apporte une réponse rapide, concrète et encadrée aux ménages les plus exposés, tout en soutenant la relance économique locale.
Une nouvelle stratégie du logement social : transformer, rééquilibrer, résorber
La crise sociale et économique a révélé les limites du modèle actuel du logement social. Les émeutes du 13 mai 2024 ont fragilisé certains quartiers, provoqué une fuite des habitants et accentué les difficultés des bailleurs.
« Nous devons arrêter la construction de logements sociaux quand il y a déjà trop de vacants, et dédensifier certains ensembles où la concentration a contribué à la dégradation du climat social », explique Sonia Backès.
Cinq orientations structurent cette stratégie :
- Diminuer le nombre de logements sociaux et rééquilibrer l’offre dans les quartiers surdotés.
- Repenser l’attribution et la gestion pour plus de transparence et d’efficacité.
- Reloger les familles aux besoins spécifiques, notamment les personnes âgées, handicapées ou victimes de violences.
- Résorber les squats en combinant expulsions légales et relogement des familles volontaires.
- Réorienter les aides individuelles en encourageant l’accession dans l’ancien avec rénovation, soutenir la sécurisation des logements individuels

« Il n’est plus acceptable de laisser prospérer des zones de non-droit génératrices de criminalité », insiste la présidente. Les opérations combinent expulsions et relogement des familles volontaires, pour une approche « ferme mais responsable ».
Santé : élargir les aides pour attirer et retenir les soignants
La pénurie de soignants pèse lourdement sur les familles, avec des zones entières dépourvues de médecins. Pour y faire face, la province élargit son dispositif d’incitation à l’installation et à l’équipement des cabinets, désormais ouvert aux sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes.
Objectif : soutenir l’équipement, favoriser l’installation en zones de pénurie et améliorer l’accès aux soins en dehors du Grand Nouméa.
Une vision claire : répondre concrètement aux besoins des Calédoniens
À travers ces textes, la province Sud confirme sa ligne politique :
- fermeté responsable face à la délinquance,
- réalisme et innovation dans la politique du logement,
- soutien concret aux soignants et aux familles.
« Nous faisons des choix clairs et assumés : protéger, loger, soigner. C’est la condition pour bâtir une province plus sûre, plus solidaire et plus proche de ses habitants », conclut Sonia Backès.
