Kévin Delefortrie : portrait d’un Compagnon, Calédonien de cœur



Dans le parcours exigeant du compagnonnage, où l’excellence technique se conjugue avec des valeurs humaines fortes, Kévin Delefortrie incarne une trajectoire singulière. Né en 1989 à Dunkerque, ce passionné de métiers manuels est aujourd’hui un entrepreneur engagé, qui a à cœur de partager son savoir-faire à la Nouvelle-Calédonie depuis 2018. Portrait de ce jeune entrepreneur qui, en ce temps de crise, a bénéficié de Sud Pro, « véritable levier pour nous, petits patentés. »


Dès la sortie du collège, Kévin choisit la voie de l’apprentissage pour obtenir un BEP d’installateur sanitaire et chauffage près de Lille. Son parcours, loin d’être un long fleuve tranquille, le mène vers les Compagnons du Tour de France, une aventure humaine et professionnelle qu’il débute à la maison de Rennes : « J’intègre alors les cours en soirée et les week-ends. Et pour marquer mon entrée officielle dans le Tour de France, j’ai réalisé ce que l’on appelle une pièce d’adoption », se souvient-il. Ce « rite de passage » s’achève lors d’une cérémonie solennelle. Kévin devient officiellement « Flamand », son nom de province compagnonnique.

Le compagnonnage, une tradition structurée, pas une secte

« Souvent méconnu ou entouré de préjugés, le compagnonnage n’est pas une secte, insiste Kévin. C’est une structure d’apprentissage très rigoureuse, fondée sur la transmission, le respect des anciens, et l’excellence du geste. Il y a des rites, bien sûr, mais ils servent à créer du lien et à renforcer une identité professionnelle. » Le Tour de France, ses maisons d’accueil, ses pièces d’adoption et ses chefs-d’œuvre ne sont pas des mystères, mais des étapes exigeantes au service du savoir-faire et du savoir-être.

Travail de réception de Kévin réalisé en fin de parcours pour devenir compagnon sédentaire.

Une itinérance formatrice… jusqu’au Caillou

De Pau à Strasbourg, puis jusqu’en Nouvelle-Calédonie en 2013, le jeune Compagnon façonne son savoir-faire autant que son regard sur le monde. Après un passage à Troyes pour réaliser son chef-d’œuvre – étape ultime vers la reconnaissance – il est officiellement reçu Compagnon la même année.

En 2014, il prend la responsabilité de former une dizaine de jeunes à Bordeaux, participe à la construction du nouveau stade de football et complète une formation de chef d’équipe. Le Tour de France s’achève à Rodez où il devient compagnon sédentaire. Mais un lien fort l’attache déjà à la Nouvelle-Calédonie : il y a rencontré sa compagne, et en 2018, il choisit d’y revenir s’installer.

L’esprit d’entreprise au service de la Calédonie

Après trois années comme salarié chez Bois Concept, Kévin ouvre sa patente en 2020. En tant que plombier frigoriste, il lance alors son activité exigeant polyvalence, rigueur et professionnalisme, des qualités qui lui permettront de faire face aux émeutes de mai 2024 : « J’habite à Païta et les violences ont bouleversé mon quotidien. J’ai été très freinés dans mes chantiers et chaque retard a eu impact direct sur mon chiffre d’affaires. Au bout de deux semaines, j’ai dû prendre le risque de retravailler malgré l’insécurité. »

Dans ce contexte tendu, le dispositif Sud Pro a été un vrai levier : « Une réponse concrète à nos besoins. J’ai vu que la présidente avait entendu les préoccupations des patentés. » Grâce à ce soutien, Kévin a pu réaliser une dizaine de chantiers, et même faire appel à un prestataire pour agrandir sa zone de stockage.

Transmettre et bâtir l’avenir

L’une des conséquences directes de la crise a été pour lui le départ d’un jeune compagnon qu’il employait depuis un an : « Comme ce jeune que j’embauchais, beaucoup d’autres sont partis. On manque de compétences et de formations ici. C’est donc une vraie perte pour la Calédonie. » Malgré ces temps difficiles, Kévin reste profondément attaché au Caillou : « Je ne pars pas. J’ai envie de continuer à construire ici et à transmettre », affirme-t-il. A la jeunesse, il adresse un message fort : « Je vous souhaite découvrir et de vous ouvrir au monde pour revenir avec des compétences, de la rigueur, et surtout… l’envie de travailler et de construire. »

Souhaitons à Kévin de continuer d’inspirer, de former et de réussir ses futurs projets dont celui de présenter le prestigieux concours du Meilleur Ouvrier de France dans sa spécialité. Une nouvelle étape qu’il aborde avec sérénité, exigence et passion, toujours en quête d’excellence.

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