Chani Mariko : une médecin du monde au cœur de Yaté



De Paris à Yaté, en passant par le Mali, la Guyane, Mayotte et les îles Loyauté, le docteur Chani Mariko a tracé un chemin guidé par l’humanité, la solidarité, la résilience et le partage. Son arrivée au CMS de Yaté, le 8 septembre dernier, témoigne d’un engagement qui redonne confiance et ouvre des perspectives d’avenir aux habitants de la côte Est en province Sud.

Portrait d’une femme au parcours singulier, forgé par les épreuves et nourri d’un profond désir de soigner au-delà des frontières.


Née à Paris, d’une mère sino-cambodgienne et d’un père malien, le docteur Chani Mariko a grandi dans un foyer où l’amour et le courage tenaient lieu de fil conducteur.

À 7 ans, un accident bouleverse sa vie : « Ma mère a survécu à une noyade, mais elle en est ressortie handicapée. Mon père, d’une force et d’une patience inouïes, s’est alors consacré à son rétablissement. » Très tôt, Chani comprend que la maladie peut frapper sans prévenir, qu’une santé constante n’est jamais acquise et que la solidarité familiale est essentielle. Pourtant, malgré ces épreuves, elle garde de son enfance le souvenir d’une période heureuse : « J’étais une petite fille curieuse, autonome, débrouillarde. L’école représentait pour moi une ouverture : un lieu de stimulation intellectuelle et sociale. Mes parents, auteurs de mes jours, m’ont offert une éducation où je savais me prendre en charge seule dans mes révisions. J’ai appris à travailler et à avancer en toute autonomie. »

« J’avais 4 ans lorsque j’ai dit pour la première fois que je voulais être médecin » Chani Mariko.

Des mots d’enfant qui révélaient déjà un rêve d’humanité et de partage : « Mes parents m’avaient demandé pourquoi. Je me souviens leur avoir répondu que je voulais donner une fourchette et une cuillère à tous les enfants du monde pour qu’ils puissent manger à leur faim. » Cette soif de découverte, de voyage et d’aspirations humanitaires la conduit, après le bac, au Mali, où elle renoue avec ses racines et débute ses études de médecine, non sans difficultés : « Malgré les réformes et les obstacles administratifs qui compliquaient les parcours, j’ai tenu bon et j’ai enchaîné les années, les stages, les services. J’ai étudié la médecine générale, la gynécologie, la pédiatrie… avant d’opter pour la chirurgie pédiatrique car j’aspirais à pratiquer de la chirurgie anté-natale, c’est-à-dire faire des interventions chirurgicales sur des fœtus encore en développement intra-utérin, très pointu me direz-vous… »

Finalement, Chani se tourne vers la médecine générale, privilégiant le contact humain et la diversité des situations médicales qui nourrissent sa réflexion.

Voyager pour soigner

En 2021, Chani soutient sa thèse et l’obtient avec une mention très honorable. C’est le début d’une belle aventure dans les Outre-mer : « Mon diplôme en poche, j’ai eu la chance d’exercer en Guyane. Là-bas, j’ai travaillé en hospitalisation, mais aussi dans des dispensaires reculés, au contact des populations amérindiennes et bushinengués. C’était une immersion totale, une école de la vie. J’y ai fait mes armes auprès des docteurs Louvel, Aboikoni et Assaoui. J’y ai appris que la médecine n’est pas seulement une science, mais avant tout un lien humain, un geste de proximité, un acte de confiance. »

Puis il y a eu Mayotte, et enfin la Nouvelle-Calédonie, où le docteur Mariko a exercé à Lifou puis à Ouvéa. « Je suis arrivée après les événements du 13 mai 2024 pour travailler 10 mois à Lifou et 6 semaines à Ouvéa. Ce furent deux expériences incroyables », se souvient-elle. Aujourd’hui, c’est à Yaté que la jeune médecin poursuit son chemin : « Je voulais travailler sur la Grande Terre, alors j’ai choisi la côte Est, par curiosité et avec l’envie de découvrir. Dès mon arrivée, j’ai été profondément touchée par l’accueil de la communauté médicale, des institutions, des coutumiers et de la population. Je me suis sentie honorée, reconnue, soutenue. »

Une vision d’avenir entre convictions et espoir

Animée par une vision profondément humaniste de la médecine, le docteur Chani Mariko croit en l’accès aux soins pour tous : « J’essaye d’apporter ma pierre en ce sens », souligne-t-elle avant d’ajouter : « Je crois aussi au service public, à son rôle essentiel. Et je m’inquiète de voir la privatisation de la santé gagner du terrain dans certains pays. »

Pour l’heure, le docteur Mariko a à cœur de se consacrer à Yaté et à ses habitants, tout en restant ouverte à l’idée de rejoindre d’autres dispensaires : « L’avenir, je l’aborde avec curiosité et optimisme. »

Face aux crises sociales et économiques, elle adresse un message d’espoir : « Mes expériences dans différents pays m’ont appris à relativiser. Je crois que même en période de tension, le dialogue et la tolérance sont les clés pour avancer. Je crois profondément que, si chacun donne le meilleur de lui-même, il est possible de construire un chemin commun, solidaire et durable. »

Reconnaissante de cette opportunité d’exercer en province Sud, le docteur Mariko espère inspirer les jeunes générations à se former dans cette discipline sociale et humaniste qu’est la médecine en les incitant à exercer en milieux isolés.

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