50 % d’autonomie alimentaire à l’île de La Réunion : est-ce transposable ici ?



Une délégation menée par Philippe Blaise, 1er vice-président de la province Sud, s’est rendue à La Réunion du 16 au 22 octobre dans le cadre d’une mission exploratoire agro-alimentaire. L’objectif : comprendre comment une île de 850 000 habitants atteint 50 % d’autonomie alimentaire tandis que la Nouvelle-Calédonie et ses 270 000 habitants plafonnent à 17 %. La délégation, composée de la province Sud, de la CCI, de la CAP NC et d’acteurs économiques et agro-alimentaires du territoire, a présenté hier matin ses conclusions.


Avec pourtant des contraintes climatiques et insulaires proches des nôtres, La Réunion dispose du taux d’autonomie alimentaire le plus élevé des Outre-mer : près de 50 % de taux de couverture avec 99 % pour le porc, 50 % pour les volailles et 60 % pour les légumes.

Pour Philippe Blaise, la mission exploratoire qui s’est déroulée en moins d’une semaine était donc une nécessité. Animé par la volonté d’aller voir sur place de quoi il retourne, l’élu a souhaité intégrer à sa démarche des acteurs institutionnels et économiques calédoniens du secteur. La délégation, constituée de 12 personnes, a ainsi enchainé 80 rencontres et visites de terrain auprès des institutions réunionnaises, chambres consulaires, mais également des associations d’industriels, des professionnels du monde agricole et des coopératives. L’objectif : découvrir leurs filières et leurs réussites, profiter de leur expérience en matière d’agro-industrie et potentiellement échanger des compétences et établir des partenariats.

” La Réunion : un territoire dynamique, avec des gens sérieux, bosseurs, très accueillants et dotés d’un état d’esprit solidaire, qui laisse la place à l’entente malgré les différends. “

Les informations et réflexions issues de cette mission sont nombreuses. Si elles ne peuvent être copiées-collées en l’état, plusieurs pistes intéressantes pourraient être déclinées à court, moyen et long termes sur le Caillou, et présenter un impact concret sur le pouvoir d’achat des Calédoniens.

Développer fortement les circuits courts

L’écosystème agro-alimentaire réunionnais est dense, comme cela a été pointé plusieurs fois lors de cette restitution. Jessica Bouyé, élue à la CCI et professionnelle de la filière pêche, a par exemple relevé la multiplicité des circuits et des réseaux d’accompagnement, de transformation ou de commercialisation, citant par exemple « les communautés de communes, qui participent financièrement et techniquement au développement de projets qui peuvent répondre à leurs besoins ».

Autre point très intéressant soulevé par le vice-président de la Province : les grossistes et grandes et moyennes surfaces (GMS) ont moins le monopole de la commercialisation qu’ici, puisque 70 % des ventes sont réalisées en circuit court. « Cette situation rend les prix beaucoup plus intéressants et rémunère mieux le producteur. Nous devons investir dans la mise en place de circuits courts. La province Sud a tout de suite voté un projet de modification du code des aides (qui passera en assemblée de Province) pour rendre désormais éligibles les magasins spécialisés en vente de fruits et légumes. C’est un premier pas. Maintenant, nous allons devoir travailler avec les mairies et la CAP-NC à la mise en place de marchés de producteurs de proximité, attractifs et accessibles. »

Mutualiser et jouer collectif

La Réunion bénéficie d’une véritable ambition de développement de l’agro-alimentaire depuis 30 ans et d’un soutien financier fort de l’Europe, lui-même conditionné à une structuration du secteur, pensée et acceptée collectivement.

Ainsi le secteur peut s’adosser à des interprofessions matures (particulièrement longues et transversales puisqu’elles impliquent aussi bien la logistique, la recherche, la production, la transformation, l’import et la distribution) et à une mutualisation des moyens au travers de coopératives.

Exemple probant : la bonne santé de la filière avicole réunionnaise, qui s’appuie sur les coopératives. Celles-ci reversent les bonis sur un fonds de régulation, offrant ainsi aux producteurs un maintien du prix des matières premières, même en période d’inflation, et donc une visibilité indispensable sur leurs charges et leur rentabilité.
Sans compter que cette mutualisation garantit aux producteurs une maîtrise des intrants, des services et conseils techniques et l’accès facilité, via les volumes traités, aux marchés de la transformation, de la restauration ou de l’exportation.

Pour Jean-Philippe Bougault, pépiniériste et élu de la Chambre d’agriculture et de la pêche, « à La Réunion, la très forte intervention des pouvoir publics pour apporter leur aide associée à la force vive des hommes qui portent le développement du secteur forment un combo gagnant ».

 

Aller chercher une expertise qui peut nous être utile

Si la situation de La Réunion ne s’est pas construite en un jour, la Nouvelle-Calédonie peut solliciter son expertise actuelle pour améliorer son développement agro-alimentaire. « Il faut qu’on soit humble, a reconnu Philippe Blaise. On ne peut pas tout réinventer en Calédonie. Or, on est face à un territoire qui a une avance sur nous : il faut aller chercher cette compétence si on veut accélérer le tempo en Nouvelle-Calédonie et ne pas gaspiller de l’argent dans des choses qui ne marchent pas. »

Le secteur a en effet tout intérêt à solliciter les compétences et l’expérience de ses contacts réunionnais, pour développer sa gestion de l’irrigation avec la mise en place des canalisations d’eau agricole, pour réguler ses filières « et éviter que ce soit le Far Ouest lors des périodes de surproduction et de pénuries », pour éviter la dispersion des intérêts et penser collectif et transversal, pour sécuriser l’approvisionnement des agro-industriels…

Autant de pistes que Philippe Blaise, à l’issue de cette restitution, a invité les participants et plus largement les acteurs du secteur, à inscrire dans une feuille de route. Pour ne pas faire de cette mission une lettre morte et en conserver les acquis, mais aussi et surtout pour en tirer des outils, dispositifs, actions concrètes à mettre en œuvre ici. Une feuille de route qu’il conviendra évidemment de chiffrer et de porter collectivement dans une stratégie agro-alimentaire forte, crédible et partagée.

Les participants ont félicité la province Sud de cette initiative et réaffirmé leur volonté de prendre part au travail en commun qui va se poursuivre.

 



Nouvelle-Calédonie & La Réunion, des liens forts

Saviez-vous que l’île Bourbon avait déjà partagé son savoir-faire agricole quand la Nouvelle-Calédonie a brièvement tenté de développer la culture de la canne à sucre ? Depuis 1870, l’eau a coulé sous les ponts, le territoire s’est détourné de cette filière, mais les liens entre les deux territoires perdurent. La province Sud, et la Nouvelle-Calédonie de manière plus large, cultivent ces relations et ont régulièrement l’occasion d’échanger avec ce département d’Outre-mer sur des problématiques ou thématiques communes, notamment les entreprises publiques locales, le risque requin, l’économie maritime, l’innovation…

Sur la thématique agro-alimentaire plus précisément, c’est en début d’année, à l’occasion du Salon International de l’Agriculture (SIA) à Paris, que les premiers contacts ont pu être établis, en particulier avec Serge Hoareau, le vice-président du conseil départemental en charge de l’agriculture et maire de la commune de Petite-Île. La délégation provinciale conduite par Philippe Blaise, se rendra à nouveau au Salon International de l’Agriculture du 24 février au 3 mars 2024. Ce déplacement sera l’occasion de faire un point étape avec les partenaires de La Réunion sur ce qui a été mis en place en province Sud à la suite de cette mission exploratoire.



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