APESA écoute, soutient et conseille les chefs d’entreprise en souffrance



Depuis 2017, l’association d’Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance Aiguë de Nouvelle-Calédonie vient en aide aux chefs d’entreprise, en leur proposant une prise en charge psychologique gratuite et confidentielle. Soutenu par la province Sud, ce dispositif est pourtant peu connu. Grâce à ses sentinelles qui sont des hommes et des femmes formés à la détection de signaux de détresse, APESA déploie une action simple et rapide en accord avec le dirigeant en souffrance, pour lui permettre de surmonter cette épreuve et de redonner un sens à son investissement personnel et professionnel.


« L’ignorance des chefs d’entreprises en ce qui concerne les procédures collectives1 est réelle », constate Betty Levanqué, la présidente de l’association APESA. Cela est particulièrement vrai pour les chefs d’entreprise de PME, les artisans ou les patentés. Car « Ils n’ont pas les moyens d’avoir des conseils de spécialistes, des avocats, et ne savent pas à qui s’adresser pour avoir des réponses à leurs questions et pour exprimer leurs angoisses », poursuit-elle. L’association travaille en étroite collaboration avec le tribunal de commerce. « APESA NC existe depuis 2017. Nous sommes le 8e tribunal de commerce de France à avoir déployé ce dispositif ». Actuellement, 80 tribunaux de commerce en France ont mis en place cette aide aux chefs d’entreprise démunis afin de leur apporter l’aide humaine dont ils ont besoin.

Il existe une réelle méconnaissance affirme Betty Levanqué : « Les chefs d’entreprises qui m’appellent sont des professionnels qui travaillent beaucoup, mais manquent de connaissances indispensables en gestion. Ils ne font pas attention à leur comptabilité, aux factures, aux cotisations sociales, au fisc. » Ils finissent immanquablement par être rattrapés par le système. « Ils ne savent plus comment faire et s’enferment dans cette situation inextricable. C’est ainsi, qu’ils sombrent dans l’angoisse et s’ils ne sont pas aidés au bon moment, ils peuvent passer à l’acte fatal. À APESA, nous sommes là pour éviter cela. »

Les procédures pour se tirer d’affaire existent

À cela, s’ajoute « un manque de connaissances juridiques en cas de difficulté », souligne Franck Robail, le président du tribunal mixte de commerce, lors de la conférence organisée à l’auditorium de la province Sud le 19 juillet dernier. Il explique : « Il existe de nombreuses procédures proposées par le tribunal de commerce. La procédure de conciliation2 présente cependant l’avantage d’être tenue secrète. La conciliation consiste à désigner une personne qui va aider le chef d’entreprise à négocier avec ses créanciers. Le plus souvent :  la banque. Le conciliateur dans le cadre de la procédure va pouvoir lui octroyer de nouveaux délais, un nouveau recours ou un nouveau crédit. Il va permettre de négocier quelque chose que le débiteur n’aura pas su ou pas pu négocier. Soit parce qu’il ne sait pas le faire, soit parce qu’il ne dispose pas de moyens que détient la loi sur la conciliation. »

Même son de cloche pour Marie-Laure Gastaud, mandataire judiciaire qui qualifie le constat de « désolant » : « Il ne se passe pas une semaine sans qu’un chef d’entreprise ne me dise : si j’avais su qu’il existait des procédures, je serais venu bien avant. Avec Betty, nous mettons les bouchées doubles pour qu’un maximum de personnes puissent être touchées et connaissent ces procédures qui sont des outils puissants pour traverser une mauvaise passe. »

Betty Levanqué à la conférence organisée par APESA au Centre Administratif de la province Sud le 19 juillet.

Le chef d’entreprise n’est pas un surhomme

L’un des principaux freins réside dans le fantasme que renvoie un chef d’entreprise dans l’imaginaire collectif souligne Betty Levanqué : « La honte est un sentiment très fort, en particulier chez les hommes parce qu’admettre que leur entreprise est en difficulté de paiement équivaut à s’humilier. Ça les rabaisse. C’est pourquoi, le combat que je mène avec APESA, c’est de changer le regard de la société sur le chef d’entreprise. Il faut arrêter de penser qu’un gérant de société, c’est forcément quelqu’un qui roule dans de belles voitures et n’a pas de souci. Non, les chefs d’entreprises font souvent des nuits blanches et se demandent si le 1er du mois ils vont faire un chiffre d’affaires suffisant pour couvrir leur loyer, les salaires de leurs employés. Ce sont eux qui font vivre des familles. Je suis soucieuse pour tous ces gens-là. »

Liquidation, dépôt de bilan, faillite… des mots qui font peur

Marie-Laure Gastaud, mandataire judiciaire ajoute : « Malheureusement, l’histoire du droit de la faillite et du dépôt de bilan est marqué du sceau de la honte. C’est un tabou parce que pendant des années, c’était des procédures qui étaient purement pénales. Cela ne fait guère que 50 ans qu’on a compris qu’il fallait sauver l’entreprise. Les procédures collectives existent pour aider le chef d’entreprise et non pas pour le sanctionner. »

Marie-Laure Gastaud, mandataire judiciaire

Mais surtout ce qui importe, c’est de désacraliser le tribunal de commerce car le mot « tribunal » fait peur reconnaît Franck Robail : « Dans l’esprit des gens, un tribunal sanctionne. Ce qui est faux en ce qui concerne le tribunal de commerce. Le code du commerce est organisé de telle sorte que la mission principale du tribunal de commerce est de tout mettre en œuvre pour sauvegarder l’entreprise, les emplois qu’elle génère et quand il n’y a pas d’emploi, le revenu qu’elle engendre pour son chef. »  

Un taux de réussite supérieur à la moyenne nationale

Le président du tribunal du commerce conseille : « Quand les chefs d’entreprises s’aperçoivent que d’ici deux, trois, six mois voire un an, ils vont avoir des difficultés et décident de demander de l’aide au tribunal en sollicitant une procédure de conciliation quand ils s’y prennent bien en amont ou une procédure de sauvegarde ou encore de redressement une fois que les difficultés sont déjà là, eh bien il y a des chances qu’ils s’en sortent ! On a un taux de réussite supérieur à celui de la Métropole. C’est la preuve qu’on est là pour tenter au maximum de sauver les entreprises. Beaucoup d’entreprises qui se retrouvent en liquidation judiciaire sont celles qui ne sont pas gérées. »

L’ignorance de ces procédures engendre malheureusement des situations qui peuvent être dramatiques. Betty Levanqué se veut convaincante dans le bien-fondé de ces procédures qui sont mises à disposition des entrepreneurs : « J’ai été juge consulaire pendant 18 ans et j’ai été complètement dévouée au service de mes pairs commerçants, je n’ai alors cessé de clamer qu’on était là pour les aider pas pour les enfoncer. »

En 2020, grâce à ses sentinelles qui sont des professionnels du monde judiciaire et économique formés à la détection de signaux de détresse, APESA a pris en charge 8 personnes venants de secteurs d’activité différents, 10 en 2021. Par une action simple et confidentielle, ces sentinelles déclenchent une alerte avec l’accord du dirigeant, dans les 24 h pour la prise en charge immédiate par un psychologue. Ce qui permet au chef d’entreprise de surmonter cette épreuve et de redonner du sens à sa vie personnelle et professionnelle. À ce jour, sur plus de 100 alertes, environ 70 chefs d’entreprise ont été pris en charge par la coordination APESA NC et les 20 psychologues du réseau.

1 La procédure collective est une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire organisant le règlement du paiement des créances d’une entreprise en cessation de paiement. (Cf : infogreffe.fr)

2 La procédure de conciliation est une procédure amiable de prévention des difficultés des entreprises. Elle permet à l’entreprise de poursuivre son activité sans que le chef d’entreprise ne soit dessaisi de ses pouvoirs. Elle a pour objectif d’aboutir à la conclusion d’un accord amiable entre l’entreprise et ses principaux créanciers. (Cf : entreprendre.service-public.fr)

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