Danger des écrans : « L’utilisation des écrans doit être encadrée pour les tout-petits », recommandent deux professionnelles de la DPASS



Née avec internet et les réseaux sociaux, la génération Z baigne pleinement dans les nouvelles technologies. Aujourd’hui, nul doute que les outils numériques constituent de formidables supports pour l’apprentissage et la stratégie pédagogique. Cependant, l’exposition trop tôt et de manière trop intensive aux écrans peut nuire au développement de l’enfant, c’est ce que démontrent de nombreuses études. Les explications avec deux professionnelles de santé de la province Sud : Sophia Simeon, pédiatre à la Protection Maternelle Infantile de Montravel et Perrine Aligne, éducatrice sanitaire.


Les patients que rencontrent Sophia Simeon et Perrine Aligne ont entre 0 et 3 ans, voire un peu plus. Ces enfants ne sont pas encore scolarisés mais déjà, chez certains, les effets néfastes sont là : trouble de la concentration, difficulté à établir des relations sociales, perturbation du développement psychomoteur, retard dans le langage et agitation.

« Agitation car même si en apparence l’enfant est calme devant un écran, il a souvent une très grande agitation intérieure causée par l’hyperstimulation. Cette énergie est ensuite évacuée une fois l’écran éteint, explique Sophia. À cela s’ajoute aussi des troubles visuels et la fatigue qui touchent aussi les adultes. »

Un constat qui malheureusement est fréquent : « L’exposition intensive aux écrans commence souvent plus tôt qu’on ne se l’imagine. Dès les premiers mois de la vie. Elle débute bien souvent avec la télé allumée « en fond » ou le portable qu’on donne facilement à l’enfant. Nous voyons de plus en plus d’enfants qui rentrent à l’école et ne parlent pas ou presque pas », constate Perrine.

À la Protection Maternelle Infantile de Montravel, de très jeunes enfants arrivent avec des symptômes liés à une surdosage d’écran.

La « Nounou du 21e siècle » à portée de main

Téléphone et tablette font partie des objets du quotidien et c’est tout naturellement qu’ils sont devenus des solutions de facilité pour « occuper » l’enfant. Et les situations ne manquent pas affirme l’éducatrice sanitaire : « Les parents utilisent la tablette pour endormir bébé en lui mettant un dessin animé. Ils donnent le téléphone pour que l’enfant reste sage dans la salle d’attente du médecin ou qu’il soit calme lorsqu’ils ont besoin de se concentrer. Mais aussi au moment du repas car pendant que l’enfant regarde l’écran, il ne fait pas de manière pour manger. C’est devenu un peu la nounou du 21e siècle ! »

Les dangers qui guettent les digital natives

La facilité avec laquelle, ces enfants que l’on nomme depuis le début des années 2000 les digital natives, se familiarisent avec les outils numériques est impressionnante confirme Perrine : « Nous constatons que les tout-petits reconnaissent les applications sur le téléphone, ils savent parfois déverrouiller un appareil et apprennent très vite à « slider » pour regarder des photos ou des vidéos. »

Les deux professionnelles de santé s’accordent pour dire que la première des conséquences observée est le manque de sommeil. « La lumière des écrans bloque la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil qui sera par conséquent de moins bonne qualité. Or, un manque de sommeil peut provoquer un retard de croissance. » De plus, précise l’éducatrice sanitaire : « Le cerveau des tout-petits n’a pas la capacité de traiter une grande quantité d’information. Il peut alors dysfonctionner et rendre l’enfant irritable et encore plus excité. Cela peut aller parfois jusqu’à la crise d’épilepsie. Phénomène que l’on constate de plus en plus chez les 2 à 3 ans, dans les services d’urgences pédiatriques. »

Mais la bonne nouvelle, c’est que ces effets négatifs sont réversibles précise Perrine : « Les troubles cessent quand on enlève complètement les écrans des mains de l’enfant et qu’on met à la place une stimulation adaptée, ainsi qu’un accompagnement médical et paramédical. »

Perrine Aligne, éducatrice sanitaire, à la DPASS

Quelles activités faire avec son enfant avant l’âge de 3 ans ?

Les conseils donnés par Perrine Aligne, éducatrice sanitaire passent avant tout par un réinvestissement des interactions entre les parents et leurs enfants. « Pour faire travailler la motricité des tout-petits, vous pouvez les inciter à jouer à côté de vous en leur donnant des boîtes en tout genre qu’ils peuvent ouvrir, fermer et les emboîter de la plus grande à la plus petite. Vous pouvez aussi créer une caisse avec différents objets de textures différentes qu’ils peuvent toucher pour reconnaître les matières, tels une boîte en plastique, une cuillère en bois, du tissu, une éponge, etc. Vous pouvez aussi leur faire enfiler de grosses perles, trier des pâtes de formes différentes. »

Les activités quotidiennes des mamans peuvent servir de « terrain de jeu » ajoute-t-elle : « Lorsque vous étendez le linge, ils peuvent apprendre à vous passer les pinces puis à nommer chaque vêtement et sa couleur. Quand vous cuisinez, vous pouvez leur apprendre le nom des aliments, les faire toucher, sentir et goûter pour qu’ils apprennent. »

Il existe par ailleurs des jeux de société coopératifs dès l’âge de 2 ans.

Un « usage raisonné » des interfaces numériques

Sophia Simeon est pédiatre à la Protection Maternelle Infantile de Montravel.

Il ne s’agit pourtant pas de « culpabiliser » les parents, d’ailleurs Sophia Simeon sait que les conseils trop restrictifs ne sont pas suivis. Elle préfère leur donner quelques recommandations plus souples :

  • « À partir de 3 ans, je pense qu’on peut utiliser raisonnablement la télévision ou la tablette comme support de jeux en famille. Mais il est important de toujours accompagner l’enfant en commentant et en faisant de cette expérience un moment convivial. Ce qu’il faut éviter, c’est de le laisser seul devant l’écran dans sa chambre. »

Opérer un cadrage, c’est par exemple dire à l’enfant :  nous allons regarder un dessin animé ensemble, puis nous ferons autre chose : un puzzle, un dessin, un tour dehors.

  • De 6 ans à 9 ans, l’approche est différente : « On peut laisser l’enfant utiliser seul la télé et la tablette dans les limites définies en discutant à l’avance sur le choix du programme. Mais pas de console, d’ordinateur ou de portable qu’il peut emmener dans sa chambre car là, on perd le contrôle. »

Limiter donc plutôt qu’interdire avec des règles de bon sens : pas le soir avant de se coucher, ni pendant les repas, ou encore le matin avant de partir à l’école, pas avant d’avoir fait ses devoirs etc.

  • Entre 9 et 12 ans, les enfants commencent à utiliser internet, « À ce moment-là, il est nécessaire d’installer un contrôle parental, de parler des réseaux sociaux et de leurs dangers, d’inciter l’enfant à raconter ce qu’il voit et fait sur internet », conseille Sophia Simeon.

Finalement, tout est question de mesure. Les outils numériques sont de formidables vecteurs de la connaissance et de l’ouverture d’esprit. Ils constituent des alliés pour réduire les barrières à l’apprentissage et offrent des possibilités qui vont bien au-delà des activités pédagogiques réalisées en classe. Pour aider les enfants à les utiliser à leur avantage pour découvrir, apprendre et s’épanouir, il est nécessaire de mettre en place quelques bons principes pour les aider à démarrer sur de bonnes bases. Car comme soutient Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive et ergonomie à l’Université de Rennes 2 : « Le problème ne vient pas des écrans, mais de l’usage que l’on en fait. »

« À partir de 3 ans, je pense qu’on peut utiliser raisonnablement la télévision ou la tablette comme support de jeux en famille », précise Sophia Simeon.

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