Un kit lavable et écologique pour lutter contre la précarité menstruelle



« Du tabou à l’émancipation », c’est l’ambition du projet porté par l’École de la réussite dans le cadre de l’appel à projet « égalité », lancé par la Mission à la condition féminine de la province Sud. Son objectif ? Lutter contre la précarité menstruelle grâce à un kit lavable, réutilisable et écologique. Ce projet est réalisé en partenariat avec « Petits Bourgeons », une marque zéro déchet, le Comité pour la promotion de la santé sexuelle et l’association Mouvement de prise de confiance de la femme. 


Au 21e siècle, il paraît invraisemblable que des femmes puissent encore être empêchées par leurs règles, au point que cela soit un frein à leur épanouissement, leur accomplissement personnel et leur insertion professionnelle. Ce constat creuse davantage l’inégalité entre les femmes et les hommes. Cette inégalité est économique, sociale et parfois culturelle. En Nouvelle-Calédonie comme ailleurs, le tabou des menstruations est bel est bien présent.

Cette réalité, Nathalie Tirebaque, la directrice de l’École de la Réussite la connaît bien. « En presque 10 ans d’existence, nous avons rencontré environ 900 femmes sur 1 500 stagiaires. La majorité a subi ou subit des violences. Les missions de l’École de la Réussite se situent sur le terrain de l’égalité des sexes, le droit des femmes et le développement personnel. La précarité menstruelle est un facteur qui empêche les femmes d’avoir confiance en elles », assure-t-elle.

Les menstruations restent un sujet tabou suscitant la honte, le dégoût et de fausses croyances. Pas plus tard que l’année dernière, une publicité française sur des serviettes hygiéniques avait choqué des téléspectateurs. Parmi lesquelles beaucoup de femmes l’avaient jugée « inadmissible » parce qu’on y montre du sang rouge.

« Lors d’un atelier, une jeune femme s’est isolée prétextant qu’elle était contagieuse, car elle avait « ses affaires » et ne voulait pas infecter ses camarades », raconte Nathalie. « Les fausses croyances font légion encore aujourd’hui. Certaines femmes ne sont pas à l’aise quand elles sont indisposées parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’acheter des garnitures périodiques. Elles fabriquent leurs propres protections avec des serviettes de bain, du papier hygiénique encore du papier journal ! »

Une pochette « girly » à emporter partout ! 

L’idée du kit menstruel est née de la rencontre avec Anne-Cécile Humeau, créatrice de la marque Petits Bourgeons spécialisée dans les articles textiles écologiques. « Nous sommes dans une démarche d’éveiller les consciences avec la sensibilisation à l’environnement », explique Nathalie Tirebaque.
Le kit comprend : deux fonds d protection, 12 bandelettes absorbantes en Jersey de bambou, lavables et réutilisables avec une durée de vie de plusieurs années, et une trousse à double compartiment : le premier pour les serviettes propres, le second imperméable pour stoker les serviettes usagers. « On voulait que la pochette soit girly pour que les jeunes femmes puissent l’insérer dans leur sac et l’emporter partout. » 

Pour ce projet, l’École de la réussite a obtenu de la province Sud une aide financière de 400 000 F pour la commande de ces kits. Ce projet a été « approuvé unanimement par les principales concernées » assure la directrice.

Les kits seront distribués aux élèves filles de l’École de la réussite fin juillet le temps de les fabriquer. « L’idée est qu’elles aient confiance en elles en ayant ce kit sur elle au cas où cela arrive surtout quand cela n’est pas prévu. » 

Gommer les inégalités femmes et hommes

L’enjeu de ce projet est de lutter contre les inégalités femmes-hommes. Inégalité d’abord financière car « cela coûte cher ». Inégalité également sur le plan de la mobilité, car « une femme qui n’a pas accès à des moyens de protection ne peut pas profiter pleinement de sa liberté de circulation. Nous sommes souvent confrontés à des stagiaires qui lors de stages, se retrouvent tâchées et sont obligés de quitter leur poste et de rentrer chez elle. Imaginez qu’elles habitent au Mont-Dore, le temps de partir et de revenir dans l’entreprise. Souvent, l’employeur ne vous croit pas, ne vous comprend pas, car c’est impensable de nos jours d’avoir ce genre « d’accident ». Du coup, les jeunes femmes vivent des situations humiliantes et perdent confiance en elles. » 

De plus, pour certaines, l’utilisation de protection non-adéquate peut entraîner des conséquences sur leur santé.

Apprendre à s’approprier son corps pour s’émanciper

Un atelier de présentation de ces kits sera organisé avec les jeunes femmes de l’֤École de la Réussite lors de la distribution. « Nous prévoyons de réunir toutes les femmes d’une même promotion autour d’un échange intimiste et ouvert sur les questions du cycle menstruel », explique Nathalie Tirebaque. À cette occasion, sont conviés les représentants du Comité pour la Promotion de la Santé Sexuelle pour expliquer et dédramatiser. » L’objectif est de démystifier, faire la paix avec son corps, son cycle et être fière de son état de femme.

Et pour les stagiaires qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas, pour diverses raisons, utiliser ces kits réutilisables, l’association « Mouvement et prise de conscience de la femme », prévoit de mettre à leur disposition des kits jetables. L’association envisage de monter l’opération « Paye ton tampon » pour des collectes de protection hygiéniques, à l’entrée des magasins.

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